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Terreur, tricot et valises de billets : le quotidien des reclus de Monflanquin

Terreur, tricot et valises de billets : le quotidien des reclus de Monflanquin

Publié le : 02/09/2012 02 septembre sept. 09 2012

PROCES DE MONFLANQUIN – On les appelle les « reclus de Monflanquin », mais les onze membres de la famille Védrines, manipulés par Thierry Tilly durant une dizaine d’années, sont en perpétuel mouvement, selon les moindres désirs de leur gourou. Ils se retrouvent parfois à huis clos, dans leur château familial du Lot-et-Garonne ou à Oxford, mais Tilly, jugé à Bordeaux jusqu’au 5 octobre, organise leur vie comme bon lui semble, à grands coups d’allers-retours urgents et de « missions ». FTVi revient sur ce que l’on sait de leur quotidien entre 2001 et 2009.

Un dénuement total

Que ce soit dans leur grande propriété de Martel, près de Monflanquin (Lot-et-Garonne), à Londres ou encore à Oxford, les Védrines vivent avec trois fois rien. Thierry Tilly leur alloue un budget avec lequel ils se débrouillent. Au château, « on passait un temps fou à cuisiner parce qu’on faisait tout, notre propre pain, notre confiture avec ce qu’on glanait dans les bois », détaille Ghislaine de Védrines, épouse Marchand, lors de sa rencontre avec FTVi, petit accent BCBG et brushing blond cendré. « On a appris qu’avec de l’eau, de la farine et du sucre on mangeait très bien », poursuit l’ancienne maîtresse de maison aisée. Avant de confier qu’ils avaient fini par « manger moins, mais quatre fois par jour ».

Même combat de l’autre côté de la Manche. « Je sais qu’on peut manger un yaourt jusqu’à un mois après qu’il soit périmé », lâche à la barre Diane de Védrine, 27 ans, jupe grise et gilet marine, boucles d’oreilles dorées et petit chignon. Seule à être scolarisée, elle embarquait un fruit par jour de la cantine pour que ses frères et ses cousins en aient au moins un par semaine. Elle raconte comment ils participaient à des « sit-in devant les supermarchés pour avoir des produits moins chers ». Et finit par asséner : « On est peut-être ‘vieille France’, mais il nous a fait revenir au temps de la vieille France : lessives dans la douche, eau chaude un jour sur deux », énumère-t-elle. « Il a fait de nous des sous-hommes », résume Christine de Védrines.

L’ennui et le travail

Leurs semaines ne se ressemblent pas. Guillaume, armé de procurations, fait des allers-retours à Londres ou New York pour s’occuper des contentieux que sa famille, orientée par Tilly, déclare tous azimuts. « J’ai quand même fait une prépa », justifie pompeusement le trentenaire, mèche ondulée plaquée sur le front, là où un début de calvitie grignote par les côtés.

Avec son frère Amaury, ils font des dizaines de voyages entre l’Angleterre et Paris. Là, ils remettent des enveloppes et même des valises de billets à un inconnu, officiellement membre de la Blue Light Foundation que Tilly se vante de développer à l’international. « Ces jeunes hommes avaient manifesté l’envie de faire œuvre de bienfaisance, mais il faut commencer en bas de l’échelle », explique le manipulateur en chef, pour qui ces transferts correspondaient au « stage photocopies de la bienfaisance ».

De temps à autre, les enfants entament des études de langues, interrompues faute d’argent. De retour au château, c’est l’ennui mortel. « Hormis taper dans un ballon une à deux heures par jour, ils étaient affalés devant la télé », confie Ghislaine Marchand à FTVi. Elle s’active auprès de sa vieille mère dont elle est « en quelque sorte l’infirmière ». Ou fait le repassage de Tilly, qui lui demande aussi de tricoter pour ses enfants.

Après 2006, adultes et jeunes empilent les petits boulots, jusqu’à trois par jour, chez Burger King notamment. Ils reversent 90% de leurs salaires à Tilly le jour de la paie. Celui-ci réussit à piquer encore un peu des 10% restants en leur présentant la facture de courses qu’il leur demande de faire pour lui.

Une vie coupée du monde

« Le téléphone, on avait mis un répondeur », explique Ghislaine Marchand, concédant qu’ils « faisaient mine de ne pas reconnaître l’interlocuteur » les rares fois où ils décrochaient. A Monflanquin, où la famille est implantée depuis des siècles, les Védrines esquivent tout contact. Quitte à aller faire leurs épisodiques courses à quelques kilomètres de là.

Tilly n’est jamais présent mais donne ses instructions par mail et les appelle « sans cesse, jour et nuit », raconte Ghislaine Marchand. Autre stratagème : leur faire croire à une urgence et leur dire « c’est moi seul qui vous rappelle », puis mettre trois jours à leur donner des nouvelles. « On était terrorisés », confie cette femme de poigne, aujourd’hui atterrée par son comportement d’alors.

En Angleterre, Tilly maintient la pression. Interdiction de sortir sans son accord et de parler entre eux. En prime, il les divise géographiquement, en laisse un à Londres, en envoie une à Bristol et garde le gros des troupes près de son domicile à Oxford.

Selon les périodes et les coïncidences exploitées par Tilly, ils craignent « le réseau franc-maçon » ou le harcèlement de Jean Marchand, mari de Ghislaine, qui s’agite parfois maladroitement pour les faire sortir de leur prison mentale. Thierry Tilly fait parler les uns des autres, puis fait passer les informations recueillies pour des données fournies par son réseau et ses accès privilégiés. « Il a réussi à nous mettre un pistolet psychologique sur la tempe », confie un Védrines à la barre. « On ne pense plus, on est dans une telle paranoïa, une telle fatigue psychologique et physique », explique un autre.

Une fortune dilapidée

Sous différents prétextes, Tilly parvient à obtenir de la famille pas moins de 4,6 millions d’euros. Pour des investissements immobiliers supposés lucratifs d’abord. Pour payer les études des enfants, régulièrement. Mais surtout, pour « assurer leur protection ». Les Védrines vendent leurs résidences secondaires puis leur domicile principal. Certains vident leur portefeuille d’actions.

Dès 2003, Philippe de Védrines remet à Tilly le montant de ses retraites d’ancien cadre chez Elf. Plus de 500 000 euros sur six ans. Guillemette Marchand, toute jeune mariée, lui remet ses 28 000 euros d’économies, y compris le don fait par ses grands-parents pour la noce. Charles-Henri, Christine et leurs trois enfants contribueront à hauteur de 3 millions d’euros. Tous contractent des prêts à la consommation dès qu’ils ont des revenus pour les garantir. Et cèdent progressivement tous leurs objets de valeur et bijoux de famille.

Aujourd’hui, les Védrines occupent des « boulots alimentaires » et habitent un HLM à Bordeaux. Après avoir tout perdu, ils veulent faire reconnaître « l’emprise mentale » dont ils ont été victimes.

Source : Francetvinfo du 02/09/12

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